À l’ère du numérique, où les identités se modulent et se redéfinissent au fil des interactions virtuelles, Bernhard Buhmann explore la tension qui oppose l’humain à la machine, le naturel à l’artificiel.
PARIS-B est heureuse de vous présenter Echoes in the Machinery, la première exposition personnelle de l’artiste autrichien Bernhard Buhmann à la galerie.
Par un langage visuel oscillant entre abstraction et figuration, il questionne la déconstruction et la recomposition de nos représentations dans un monde saturé d’images et d’informations.
Formé en sociologie avant d’embrasser la peinture, Buhmann adopte une approche analytique de l’image. Ses toiles, rigoureusement construites, semblent à première vue générées par un algorithme, tant leur précision géométrique et leurs dégradés chromatiques évoquent l’esthétique des interfaces numériques. Pourtant, en s’approchant, la texture et la matérialité du geste pictural se révèlent, restituant à la peinture sa dimension organique et humaine. Dans cette nouvelle série, Echoes in the Machinery, Buhmann fait écho aux avatars numériques qui peuplent les réseaux sociaux, ces doubles artificiels que nous créons pour nous représenter dans l’espace virtuel.
Si en 1956, Erving Goffman dans La Mise en scène de la vie quotidienne (1956) décrivait déjà la société comme une scène où chacun ajuste son image selon le contexte et le regard des autres, l’ère du digital a amplifié cette dynamique. Les avatars et profils en ligne ne sont plus seulement des projections sociales, mais des entités optimisées, soumises aux logiques d’algorithmes et à des attentes de visibilité
Buhmann traduit picturalement cette pensée en multipliant les strates de couleurs et de formes, créant des figures qui semblent prises dans un processus de mutation continue. L’exposition se présente comme une véritable galerie de portraits, où chaque œuvre explore l’instabilité de l’identité et sa constante transformation. Ses peintures suggèrent que l’individu ne se réduit pas à une image unique et stable, mais qu’il est continuellement façonné par des forces extérieures, qu’elles soient technologiques, sociales ou culturelles. Ce jeu d’effacements et de réapparitions, où l’identité n’est jamais complètement définie, trouve un écho direct dans le concept deleuzien de devenir : un état transitoire où l’être ne cesse de se réinventer.
Cette idée d’une identité en perpétuelle mutation trouve un prolongement dans la réflexion de Gilles Deleuze, qui, dans Différence et répétition (1968), conçoit l’identité comme un mouvement perpétuel, où chaque répétition engendre une variation. Pour Deleuze, l’être ne se définit pas par une essence figée, mais par un jeu d’écarts et de transformations successives qui en révèlent la nature dynamique. Cette approche s’éloigne d’une vision essentialiste de l’individu et embrasse au contraire une conception fluide, où l’identité est toujours en train de se produire, se dissoudre et se reconstituer différemment en fonction de nouveaux contextes et influences.
Si Echoes in the Machinery interroge la dissolution de l’individu dans un flux d’influences technologiques et algorithmiques, l’œuvre de Buhmann ne se réduit pas pour autant à un constat froid et dystopique. À travers une palette vibrante et contrastée, il insuffle à ses portraits une énergie presque ludique, capturant autant la confusion que l’exaltation d’un monde où tout est modulable. Cette plasticité de l’identité, loin d’être uniquement une perte, ouvre aussi des possibilités nouvelles : celle de la réinvention, de la métamorphose, de l’affirmation d’une subjectivité toujours en mouvement.

Dans un univers où l’individu doit sans cesse se redéfinir, Echoes in the Machinery pose une question essentielle : que reste-t-il de l’humain lorsque sa représentation est filtrée, remodelée, optimisée en permanence ? En transformant la peinture en un miroir de ces mutations contemporaines, Buhmann ne propose pas une simple critique, mais nous invite à embrasser cette instabilité comme une force, une opportunité de repenser notre rapport à nous-mêmes et aux images qui nous façonnent. Face à la mécanique vertigineuse du monde digital, son œuvre célèbre aussi la capacité de l’art à capter ces transformations et à en restituer toute la complexité, entre perte et émergence, effacement et apparition.
Catalogue des œuvres
Bernhard Buhmann est né en 1979 à Bregenz, en Autriche. Titulaire d’une maîtrise en sociologie et sciences de la communication de l’Université de Vienne, il a également étudié la peinture à l’Université des arts appliqués de Vienne. Aujourd’hui, il vit et travaille à Vienne, où il continue de nourrir son travail d’une réflexion constante sur les enjeux sociaux, politiques et technologiques de notre époque. Son travail est non seulement exposé, mais aussi intégré dans de nombreuses collections à travers le monde, de New York à l’Autriche, jusqu’à Dubaï, témoignant de sa reconnaissance internationale et de l’impact de son œuvre sur la scène artistique mondiale.