La galerie PARIS-B est heureuse d’accueillir dans son espace du PB PROJECT l’artiste Morgane Ely pour sa première exposition personnelle intitulée «It’s Raining on Prom Night».
Pop-culture, icônes célèbres, drama… L’œuvre de Morgane Ely se compose d’une myriade d’images glanées dans les films et sur les réseaux, de celles qui captent votre attention, s’impriment sur vos rétines et déclenchent une émotion immédiate. Une vertigineuse iconographie contemporaine bien loin des thèmes qui constituent habituellement la technique utilisée par l’artiste, celle de la gravure sur bois apprise au Japon.
Cette image, c’est peut-être la figuration du sentiment capté, dans un moment de détresse incontrôlé, sous pression, d’un total breakdown. Des filles qui pleurent, en pleine crise existentielle. D’autres se cassent la figure. Ce moment qui auraient dû être la consécration du rôle que l’on attend d’elles : des jeunes filles parfaites et souriantes en tenues sportives à l’effigie de leur lycée, accomplissant une figure d’acro-gym dévoilant avec sensualité les plis de leur cuisses : l’ultime symbole de la victoire érigée. Raté. Elles ont échoué et la grâce de leurs mouvements s’écroule en même temps qu’elles.
Morgane Ely renverse le piedestale sur lequel trône la reine du bal pour enfin ériger toutes celles dont la soirée s’est mal terminée. Celles que personne n’a invité à être sa cavalière et qui, une fois la fête finie, se résignent à passer le balais sur le remix de Girls Just Want to Have Fun, par Buzzy Lee. Celles dont le coeur est brisé par un crush qui s’est finalement entiché d’une autre. Celles dont la robe s’est déchirée en dansant et qui se sentent complètement ridicules. Pourtant, cette mise en scène est bel et bien la célébration des reines déchues, dont les portraits sont parés de l’unique vestige de la fête : les rideaux scintillants. Ne seraient-ils pas les larmes qui coulent un soir de bal de promo ? Assumer la défaite et en rire, glorifier la vulnérabilité teintée de mélancolie. Les échecs sont finalement des réussites en devenir et Morgane Ely choisit de les célébrer pour nous le rappeler.
Désormais il ne reste plus qu’à se morfondre dans son canapé vêtue d’un pyjama et avaler une bombe de chantilly, se rêvant en Jessica Simpson. Les breakdown aussi nécessitent leur tenue d’apparat, leur attitude de circonstance.
Une fille au téléphone va se prendre un ballon en pleine tête. Le spectateur ne peut qu’anticiper le pathétique sort (et non moins drôle) de cette pauvre Gretchen (Mean Girls, 2004). La posture affirmée, dans un instant, va ridiculement se défigurer.
Cette exposition est sans doute alors une allégorie feministe : ces figures féminines ne seront pas esclaves de l’image que l’on attend d’elles (Morgane Ely, Britney Spears shaving her head blad (2007 , 2021). Il n’y aura pas d’injonction à montrer les femmes telles des créatures sans défaut, sans faille, se parant d’un sourire lisse, figées dans un instant de perfection et de beauté. « So you’re breaking up with me because I’m too blonde? » ironise alors Elle Woods (jouée par Reese Witherspoon) dans Legally Blond (2001).
Morgane Ely réalise des gravures sur bois permettant initialement des impressions en multiple, issue de la technique de l’estampe traditionnelle japonaise. Un pratique rigoureuse et codifiée dans les gestes, aussi bien que dans les sujets et dont elle tend à s’éloigner par le choix d’images pop, captures d’écran qu’elle sélectionne aussi bien dans le cinéma qu’en écumant internet. Une image enregistrée en une fraction de seconde prendra des heures à réaliser en gravures. Elles deviennent alors les “belles contrefaçons” des images initiales anecdotiques. Les matrices en bois bombées en couleur fluo et enduites d’encre sont les seules traces de ces images, elles en deviennent l’œuvre unique et ne sont plus destinées à imprimer.
Text by Céline Furet
Morgane Ely est née en 1995 à Hayange, en Lorraine. Diplômée des Beaux-Arts de Nancy, puis des Beaux-Arts de Paris où elle s’initie à la sérigraphie, elle passe 6 mois à l’Université d’art de Musashino à Tokyo pour être formée à l’estampe et la gravure sur bois par les maîtres Akira Suzuki et Tsuyoshi Hirai. Elle est lauréate en 2021 du 42ème Prix du Prestige Takifuji et du Prix de la gravure à la Biennale de Sarcelles, puis en 2022 du Prix Rose Taupin – Dora Bianka, et enfin, du Prix Villa Noailles aux dernières Révélations Emerige. Elle bénéficiera au terme d’une résidence à la Villa Noailles d’une exposition personnelle dans l’Ancien Evéché de Toulon en 2025.