…Pour que je sois utopie, il suffit que je sois un corps (Michel Foucault, 1966)
PARIS-B est heureux de d’accueillir l’artiste Bence Magyarlaki pour sa première exposition monographique, « At Saturn’s Cusp », dévoilant ses nouvelles oeuvres.
Le corps et l’architecture sont des éléments centraux de la pratique de Bence Magyarlaki. Ses oeuvres synthétisent les tensions inhérentes au mouvement, à la contestation des valeurs patriarcales normatives de nos structures sociétales, ainsi qu’au contrôle exercé sur notre identité et nos désirs. Ses sculptures portent en elles-même un principe de transformation, traitant de problématiques telles que la sexualité, l’identité, la fragilité, le pouvoir et le changement social.
Magyarlaki récupère de la mousse et des parties de meubles abandonnés dont il transforme la géométrie en de nouveaux gestes anthropomorphiques. La mémoire du corps est toujours présente, abordant les souvenirs de l’intimité, tant de son propre corps que de ceux des autres.
Iel utilise la technique traditionnelle marocaine de plâtrage Tadelakt (terme qui signifie caresser). Long et précis, ce procédé consiste à superposer et polir des couches successives puis à en adoucir les imperfections jusqu’à la disparition de la main de l’artiste.
Une coque externe souple est ainsi créée: elle se dilate et se contracte sous l’effet des changements de la température atmosphérique. On la ressent alors comme une surface en mouvement, qui respire; un corps organique en vie.
Dans ses derniers travaux, Corps Utopiques (2020- en cours) et Uraniens (2021- en cours), Magyarlaki introduit l’idée d’une utopie queer ainsi qu’une analyse de la politique du corps. Les deux séries explorent les possibles d’une pensée qui dépasse les confins d’un corps genré, et contestent ainsi les valeurs constitutives d’un système hétéropatriarcal binaire.
Ses dernières sculptures sont inspirées des connaissances en histologie et en embryologie qu’il acquiert au cours de ses années en école de médecine. Il va percer la ‘peau’ de l’architecture pour en révéler les entrailles: des organes nouveaux, qu’il ré-imagine.
Telles des formes embryonnaires qui se divisent en des systèmes symétriques et asymétriques, ces oeuvres sont en évolution constante et présentent une vision pour une nouvelle anatomie poétique.
« Mon exposition à PARIS-B est la continuité de l’adaptation que je fais des textes du philosophe et icône queer Paul B. Preciado, notamment de son livre Un appartement sur Uranus (2019) qui traite de la politique corporelle, de la mémoire et de l’intimité. Cette fois, nous allons sur Saturne, mais nous sommes aussi dans une salle d’opération, essentiellement à l’intérieur d’un corps.
L’exposition est principalement une interrogation sur l’identité de genre à travers un regard qui se tourne autant vers l’intérieur que vers l’extérieur. On y rencontre des histoires et des textes parallèles allant de l’exploration scientifique de l’espace à la philosophie et à la poésie, ainsi qu’une installation sonore qui accompagne les sculptures. »
— Bence Magyarlaki for The Steidz (extract)
« Le 15 octobre 1997 – 15 septembre 2017.
À la première de ces dates, une sonde de six tonnes appelée Cassini décolle depuis la Floride, à destination de Saturne. S’achevant à la seconde, sa mission aura duré près de vingt ans : 7 ans de traversée céleste jusqu’à atteindre la planète, puis 13 passés en orbite autour d’elle, à -180°C parmi les dunes volcaniques et les lacs de méthane. Au dernier de ses jours parmi les astres, après des années de vie commune, Cassini à bout de carburant plonge dans la couche supérieure de Saturne. Elle s’y consume, se désintègre dans une dernière étreinte atmosphérique ; Cassini saturnienne devient une étoile filante, ses six tonnes de métal, de fer, de plutonium éclatent d’un coup en une poussière de diamants.
Isn’t this the queerest shit ever? me demande Bence.
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« Il y a les magnétomètres, les spectrographes, les stéthoscopes ; il y a les scanners, les dissections, les examens de conscience. De ces outils pour sonder nos intérieurs, Bence Magyarlaki s’est fait·e une expertise. Ses formes sont charnelles, tour à tour intestinales ou moléculaires. Elles retranscrivent les perturbations du cœur, ce qu’il se passe au-dedans de nos ventres. Qu’elles s’étirent, s’enroulent ou se rétractent, les sculptures de Bence imposent une reconnaissance par la chair, par les viscères. L’artiste dira qu’elles relèvent d’un « anthropomorphisme abstrait » ; c’est aussi qu’elles n’ont jamais de visage, qu’elles résistent aux habituelles taxonomies du genre, à la captivité des définitions. Aux identités fixes, elles préfèrent une expansion stellaire.
Bence zoome dans une cellule, iel y voit tout l’univers.
« At Saturn’s Cusp dessine la vie passionnelle de ces corps qui s’informent, s’attisent, parfois se rejettent ; des mécanismes d’attraction où les agent·es s’affectent – comme Cassini suspendu·x·e par Saturne, retourné·x·e par Saturne, ému·x·e dans ses anneaux, piégé·x·e par eux. Dans sa relecture de la théorie de Darwin, la biologiste états-unienne Lynn Margulis place la « symbiose » au principe de l’évolution, et définit celle-ci comme toute interaction biologique entre deux organismes de différentes espèces – les symbiontes – sur une durée étendue. La coopération peut être dissonante, sans harmonie. Elle peut relever de la mutualisation, comme du parasitage. Ainsi toutes les symbioses ne sont pas bénignes ; certaines se font au détriment d’un des partis, parfois au prix de sa destruction. La transformation dépend en tout cas d’un compagnonnage ; de cette « intimité durable entre corps étrangers » [long lasting intimacy of strangers] qui informe, en différents endroits, l’œuvre de Bence Magyarlaki. Il aura fallu 13 ans, pour que Cassini délaisse enfin Saturne. »
De manière générale je suis inspiré·e par les gens. Les gens qui luttent pour leur liberté, pour que leur voix soit entendue contre vents et marées, les gens qui ont le courage de se battre pour les autres et pas seulement pour elleux-mêmes. Je suis inspiré·e par les artistes qui sont capables de dire les vérités les plus dures, et par celleux qui sont capables de ressentir et de prendre soin de l’humanité et de l’avenir de notre planète.
—Bence Magyarlaki
Catalogue des œuvres
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Bence Magyarlaki (né·e en 1992) est un·e artiste hongrois·e actuellement basé·e à Paris. Magyarlaki a obtenu son diplôme avec mention très bien en beaux-arts à Central Saint Martins, à Londres, en 2017, et expose depuis à l’échelle internationale au Royaume-Uni, en France, au Maroc, au Portugal, en Turquie et en Australie. Sa dernière série d’œuvres a été soutenue par la Fondation Montresso à Marrakech.