Shen Han tente de percer la relation entre la peinture et le corps en combinant des taches de pigments, des lignes à la gestuelle souple et des espaces allusifs. Semblant s’effriter et se disloquer dans l’image présentée, l’intérêt de l’artiste pour la manipulation des espaces fragmentés et pour la nuance entre figuration et abstraction structure en chaos un ordre invisible.
Apposées sur une toile non apprêtée, les taches de pigments apparemment aléatoires de Shen Han construisent une tonalité et un rythme harmonieux, pourtant sans cohérence apparente – un paysage fragmenté ne se fondant sur aucune image tangible. Tracées à coups de pinceaux puissants, les lignes agiles et gracieuses de Shen exhalent un souffle mélodieux, assimilant les relations arbitraires entre marques et formes et se mobilisant au travers des zones de couleur cadencées.
La propension et l’expérience de la vision comme mode de lecture de l’image sont invoquées et interviennent avant d’être, pour un temps, suspendues dans la perspective enchevêtrée de Shen – le paysage exposé se voyant intégré, de fait, à un cadre empreint de quiétude. Sans cesse, la conscience est corroborée puis écartée,créant par l’entremise de la sensibilité et de l’imagination un lien au récit morcelé. Les éléments visuels entremêlés, intégrés dans des configurations et des narrations ambiguës, révèlent les émotions profondes, esquissant une question contradictoire qui peut aussi bien être perçue comme formatrice ou comme plongeant dans un néant d’incertitude.
Perçant au travers des motifs de couleur vaporeux, les gestes oscillants des dernières peintures de Shen Han sont présentés comme des formes humaines gymniquement étirées, générées par le rythme et par les mouvements physiques de l’artiste lors de son processus créatif. Dans The Cloud Sanguine les formes énigmatiques se fondent les unes aux autres et s’infiltrent au coeur des blocs de couleur fluides. La peinture à l’huile jaune, irrégulière, érode continûment le territoire du bloc vermeil comme la tendance aux espaces vides, impliquant un trop-plein d’émotions et de tension dissimulé sous la forme corporelle vaguement esquissée. L’enlèvement des filles de Leucippe le chef d’œuvre de Paul Rubens est revisité par l’artiste; une histoire teintée de violence et de passion dont la musicalité et la théâtralité se reflètent dans la touche riche de Shen Han, et dans sa magnifique palette de couleurs. Présentées dans leur ensemble avant d’être rappelées dans des détails, les affections et les fascinations de l’artiste transparaissent sous forme d’indices équivoques livrés par le travail de pinceau imaginatif de Shen, et coïncidant avec les souvenirs et le subconscient du spectateur lui-même, comme la re-représentation d’images personnelles.
Shen Han est né à Hangzhou en 1988, il vit et travaille à Berlin. Diplomé de l’Université d’art de Berlin en 2017 avec un Meisterklasse, il a exposé ses oeuvres à l’Aurora Museum de Shanghai, le Wuhan art Museum, la Galerie Koenig à Berlin et la Vacancy Gallery à Shanghai