La peinture de Lisa Ouakil est pensée dans un rapport au corps et à la chair. À partir de photographies prises lors de déambulations, essentiellement celles d’éléments minéraux, le travail développé transforme le connu pour exciter l’imaginaire. Aucun réalisme puisque l’image initiale est totalement métamorphosée par cette alchimie picturale. Les formes se touchent, se tordent, s’étirent dans des postures étranges comme des corps. Attachée aux oeuvres de Bacon, Greco ou Lucian Freud, l’artiste exploite pleinement la sensualité de la matière picturale. Entre abstraction et figuration, c’est une peinture qui joue de la porosité des frontières, alternant zones floues et zones plus précises en aplats. Dans les jeux de lumière, elle aspire à retranscrire la sensation du soleil qui tape, à la fois doux et piquant pour les yeux. Bleus électriques et rouges vifs viennent faire vibrer les formes, comme en mutation. L’intensité varie en fonction de la dilution du pigment broyé à l’huile de noix qui crée des effets d’avancées ou de reculs en conservant la matité et la frontalité du medium. Dans des séries de grand format, c’est une spiritualité de la peinture qui est recherchée, appuyée par une palette de teintes profondes faisant ressortir les silhouettes cristallines.
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Extrait du texte d’ Elora Weill-Engerer
Pièce centrale de l’exposition, L’image est un accident du temps est un triptyque monumental qui propose de franchir l’horizon. À partir d’une photographie d’une aiguillère du Mont Blanc, Lisa Ouakil développe une matière picturale sensuelle et transforme le paysage en formes abstraites mouvantes au gré des couleurs, de leurs aplats et de la lumière qui en surgit.Le traitement vibrant s’opère grâce aux pigments directement broyés avec l’huile de noix qui permet ce jeu de texture. Le fond rouge profond fait écho au blanc vaporeux. Une lueur jaune traverse les trois panneaux et se diffuse de manière insaisissable mais persistante sur la toile. Référence au texte de Georges Didi-Huberman, telle la luciole, l’image ne fait que passer, elle est intermittente, ne cite qu’un instant. Cependant, cette lumière immédiate survit dans la pensée, et la peinture revêt un caractère spirituel.
Comme le déclare l’artiste « L’idée est d’évoquer quelque chose qui vit sous la surface, l’intérieur du corps, l’intérieur de la terre, les volcans qui bouillonnent. Il s’agirait de suggérer à la fois le rêve et le songe, et d’atteindre un autre lieu par la couleur. Cela rappelle aussi les lumières floues que l’on voit lorsque l’on ferme les yeux ».
En résonance tellurique avec ce paysage, sont exposées des céramiques inspirées des pierres de lave. Dans leur émail bleu profond, on retrouve l’immensité et la beauté du ciel nocturne. Leurs formes et couleurs prennent des aspects changeants selon les reflets lumineux, référence à la nature et à sa transformation constante.
Née en 1993, Lisa Ouakil est diplômée des Beaux arts de Cergy, elle est aujourd’hui résidente des ateliers Poush Manifesto.