PB PROJECT: Open locks, whoever knocks

31 octobre - 21 décembre, 2024

Macbeth, Act IV, Scene 1. La deuxième sorcière parle : “Ouvrez les serrures à quiconque frappe !” L’intrigue en restera peut-être là, une invitation suspendue à une farandole des personnages possibles qui, au moment de leur entrée en scène, auront droit à toutes les parures même les plus interlopes. C’est ainsi que Théodore Melchior envisage la sculpture, l’ayant émancipée depuis quelques années de son simple rôle de décor pour des performances théâtrales, pour en faire progressivement des figures beaucoup plus proches de personnages à part entière. Quelque influence ou référence frappe à son univers, et elle devra prendre la forme déterminée pour y faire son incursion. Sous les ciseaux à bois de l’artiste se découpent une silhouette gothique, une effigie de guimauve, quelque chose des fantaisies de Brueghel, de la statue du Commandeur et de nos monuments aux Grands Hommes.

Quelle que soit l’extraction exacte des sculptures qu’il présente, elles ne sont pas venues pour parader seules. Les socles sont là avec elles pour assurer les effets de manche, parodiant le musée ou tout lieu d’exposition comme un décor gentiment kitsch, rien de plus qu’un habillage scénique pompeux ou pompier qui pourrait tout aussi bien servir comme arrière plan de saynètes plus hétérodoxes.

S’approchant de l’abstraction pour pouvoir mieux s’en écarter le moment venu, Théodore Melchior crée des formes gourmandes et dansantes en bois, des formes à l’expressivité toute contenue, où les courbes onctueuses sont pondérées par des lignes sévèrement droites. La dureté du matériau transparaît, mais semble parfois se tendre comme une peau fine sur une épine dorsale, ou fondre dans un égouttement languide.

Pour lui qui ne s’est pas totalement départi de ses rêves de cinéma, le travail de la main compte désormais, mais il demeure indissociable de l’image et du texte comme vecteurs de narrations plus profondes, de fictions plus vastes. Telles des voix off parlant pour on-ne-sait quel personnage – « whoever knocks » – ou plutôt des cartons de film muet, trois textes donnent la réplique aux sculptures sur un mode énigmatique, assumant leur romantisme chevaleresque. Un oriflamme en tissu résolument noir, deux pages à l’humeur symétrique dans lesquelles l’amour se livre comme une bataille ; l’ensemble confère au conciliabule des sculptures une charge dramatique, et singulièrement humaine. L’occasion de rappeler que l’héroïsme, fut-il de pacotille ou gonflé par les trompettes d’une nation, est toujours et avant tout une œuvre de fiction.

— Marilou Thiébault