L’artiste basé à Shanghai interroge notre idéologie contemporaine de la nature, profondément altérée par l’urbanisation et l’industrialisation effrénées, tout en s’inscrivant dans la continuité de l’héritage pictural traditionnel chinois. Inspirée du shanshui, peinture classique de montagnes et d’eaux, la vision d’ensemble de l’oeuvre de Yang Yongliang rappelle celle d’un paysage. Mais un examen minutieux révèle des complexes superpositions de tours en treillis métallique, de gratte-ciels en ruines, de pylônes électriques et d’autres formes créées par la main de l’homme. Tandis que les anciens cherchaient à transmettre le sentiment de l’immutabilité de la nature par le trait du pinceau, Yang Yongliang s’attache à exprimer dans ses paysages numériques ce cycle de démolition et de construction qui se perpétue sous ses yeux et notoirement à Shanghai, sa ville natale. Il en résulte une oeuvre où l’attrait séduisant de la modernité urbaine est simultanément accompagné de la conscience de sa fragilité.
Avec la nouvelle série Imagined Landscape, Yang Yongliang continue de développer une approche critique de la réalité parallèlement à une sorte d’utopie personnelle qui évoque l’histoire plurimillénaire de son pays. Réalisées pendant la pandémie de COVID-19, les huit photographies qui composent la série marquent une rupture dans la pratique de l’artiste, se distinguant de ses emblématiques paysages en noir et blanc par l’emploi d’une nouvelle palette de couleurs, charmante, ravissante et plus délicate. Chaque oeuvre de la série contient un humain ou un animal solitaire, en position de détresse: un singe s’accroche désespérément à un rocher, trois lapins se tiennent en état d’alerte au bord d’un ruisseau, un troupeau d’oies s’envole… Alors que des figures humaines telles que des érudits errants ou des ermites étaient souvent incluses dans les peintures classiques de la dynastie Song, symbolisant la relation harmonieuse entre l’humanité et la nature dans la cosmologie taoïste, les figures de Yang se distinguent comme les seuls survivants d’une catastrophe environnementale. Pour emprunter les mots de l’artiste luimême, cette série est dédiée à ceux qui gardent espoir d’aller de l’avant, dans un monde en constante mutation.
L’exposition comportera également des nouvelles installations vidéos, dont Glows in the Arctic, 2022, vidéo 4K à deux canaux. Ici, Yang réunit dans une même animation des paysages urbains divers, y compris des vues de New York, Shanghai, Hong Kong, Paris, Londres et Tokyo. Conçue à une époque, celle du COVID-19, où les déplacements sont rendus difficiles voire par moments impossibles, l’oeuvre nous fait voyager, annulant la distance physique et psychologique qui nous sépare les uns des autres. Récemment introduite dans la pratique de Yang, la vidéo est un médium qui participe à accentuer la qualité dramatique de ses compositions digitales, lui conférant du dynamisme.
Né à Shanghai en 1980, durant dix ans il apprend la peinture traditionnelle chinoise auprès du maître calligraphe Yang Yang. À la fois photographe, peintre, vidéaste et plasticien, il est diplômé du Shanghai Institute of Design, China Academy of Art, en communication visuelle et design. Il enseigne actuellement au Shanghai Institute of Vision Art.