En avant-première en France et sous le commissariat du brillant critique d’art contemporain chinois Bao Dong, la Galerie Paris-Beijing accueille l’exposition collective Exotic Stranger. Réunissant quinze artistes nés pour la plupart dans les années 70, cette génération de l’enfant unique participe au renouveau de la scène contemporaine chinoise. À partir du regard d’un critique d’art de la même génération que les artistes présentés, l’exposition rassemble un ensemble audacieux d’œuvres – allant de la vidéo à la peinture, de la photographie à l’instal- lation – témoignant de la diversité formelle qui caractérise la scène artistique chinoise actuelle.
AUX MARGES DE L’INCONNU
Dans Stranger Shores, recueil publié en 2001, J. M. Coetzee exprime ses dilemmes et ambivalences : être descendant d’Occidentaux, tout en étant également africain du sud ; reconnaître l’héritage littéraire occi- dental, mais sans pouvoir faire abstraction de l’ancrage local de la littérature ; poursuivre la transcendance inhérente de la littérature, sans pouvoir faire l’économie de sa fonction politique. De ce dilemme, il a tout de même fait ressortir distance et détachement. Cette ambivalence apparaît dès le titre de l’ouvrage, dans les multiples sens du mot « Stranger », qui désigne à la fois ce qui est « moins familier », mais également « un inconnu », cet « inconnu » peut faire référence aux quelques auteurs qu’il a analysés, mais aussi à lui-même.
Pour les artistes contemporains chinois, le dilemme identitaire de J. M. Coetzee existe également à tous les niveaux. En effet, même si l’art contemporain chinois a été très influencé par l’outre-mer, ses images culturelles, toujours unilatérales et dépassées, n’arrivent pas à s’affranchir d’une lecture basée sur des symboles orientaux et des symboles politiques. C’est pourquoi il a toujours été considéré comme autre. D’autre part, s’agissant d’une forme artistique née sous l’influence de la culture occidentale, dès le com- mencement, l’art contemporain n’a obtenu reconnaissance et n’a été diffusé qu’au sein d’un microcosme, mais n’a pas complètement suscité de sentiment d’appartenance parmi la société et le public chinois. En bref, l’art contemporain chinois est à la fois considéré comme un étranger par l’Occident, mais également comme venant de l’extérieur par les autochtones.
Dans ce contexte, beaucoup d’artistes chinois s’efforcent de relier leur travail à l’expérience locale, tout en évitant que cette territorialité ne réduise leurs oeuvres à une sorte d’échantillon du multiculturalisme. C’est pourquoi, ils évitent les symboles orientaux classiques et rejettent également les caractéristiques poli- tiques rigides. En ce qui concerne le public occidental, les possibilités qu’offre le travail des artistes chinois constituent des différences inconnues, une sorte d’altérité sortant du cadre des différences reconnues du multiculturalisme. C’est justement là que réside l’énergie de la culture et de l’art chinois contemporains.
Bao Dong, Janvier 2016