A l’intérieur cet été, deuxième intervention de Baptiste Rabichon à la Galerie Paris-Beijing, a été conçue comme le déploiement de Dame de Cœur, présentée au sein du PBProject en Mars 2018.
Si la première exposition faisait déjà allusion à l’héroïne de Lewis Carroll, A l’intérieur cet été est à son tour parsemée de clins d’œil au personnage d’Alice, son prénom se dissimulant subtilement dans le titre.
Deux nouvelles pièces ouvrent l’exposition. La première, Netflix, titre d’une étonnante contemporanéité, représente une scène d’intérieur ; deux corps allongés, celui de l’artiste et celui d’Alice, le regard posé sur une tablette. L’apparente simplicité de ces fragments de vie est évoquée par l’artiste dans un récent entretien avec Manon Klein qui voyait dans son travail un rapprochement possible avec l’infra-ordinaire de Georges Perec : « Ce n’est pas parce-que les choses sont tissées dans notre quotidien qu’elles sont banales, c’est notre regard qui se glisse sur elles, avec une banale indifférence. Inévitable cependant, sans quoi nous serions sans cesse stupéfiés ».
C’est par le biais de son smartphone que Baptiste Rabichon recueille ces moments du quotidien. Tels les croquis d’un peintre, ces images structurent sa narration où se mêlent manipulations digitales et analogiques, collecte et composition. Expérimentations successives qui donneront naissance à une image unique, hybride, somme de temporalités bien distinctes.
La seconde œuvre, Le Lunettier, diptyque à l’apparence très warholienne, dévoile un double présentoir de lunettes disposé en miroir. Un basculement visuel vers l’extérieur, la ville et ses vitrines, mais aussi une invitation à regarder à travers ces lunettes qui deviennent un trait d’union entre le réalisme de Netflix et l’atmosphère onirique de la série 17ème.
Dans 17ème, corpus central de l’exposition, on retrouve la figure d’Alice. Sa silhouette taille réelle apparaît tel un spectre opalin s’unissant à une flore extravagante. Les motifs floraux qui caractérisent cette série sont créés à partir de véritables fleurs cueillies par l’artiste lors de ses promenades, parfois mélangées à des scans, puis projetées sur le papier photosensible. La lumière des parcs transparait dans l’intimité du labo photo où l’artiste tente d’allier empreinte et représentation. Corps et objets sont marqués par une dichotomie entre obscurité et lumière, intérieur et extérieur, qui traduit aussi deux phases essentielles de son travail : l’isolement de la chambre noire et les mille lieux éclairés où l’artiste se promène pour récolter ses notes visuelles. Allers-retours entre la chimie et l’ordinateur, entre la vie de l’artiste et son laboratoire.
Un travail dans le noir absolu qui implique une grande concentration mais aussi un certain lâcher prise, les aléas du hasard intégrant pleinement le processus de composition. C’est sans doute cette collision, entre maîtrise et accident, qui confère à ces œuvres cet aspect presque fantastique.