Née en 1992.
Vit et travaille à Paris.
FORMATION
2016 – 2021
Diplôme National Supérieur d’Arts Plastiques (DNSAP) avec Félicitations du jury, Beaux-Arts de Paris
2014 – 2016
Diplôme National d’Arts et Techniques (DNAT) aux Beaux-Arts de Paris
2013 – 2014
Auditrice libre à l’Ecole du Louvre à Paris
2011 – 2013
BTS Design d’Espace à l’école Olivier de Serres (ENSAAMA) à Paris
2010 – 2011
Mise à Niveau en Art Appliqué (MANAA) à l’école Olivier de Serres (ENSAAMA), Paris
EXPOSITIONS COLLECTIVES, PRIX, RÉSIDENCES ET COMMISSIONS
2022
Lauréate de la 3e édition du Prix Sisley – Beaux arts pour la jeune création
PBProject, Galerie Paris-Beijing
25e Prix Antoine Marin 2022, parrainage Tatiana Trouvé
Résidence Fonds de dotation Weiss, comm. Louis Verret, Paris
2021
Synesthesia, comm. Paul Ivernel, Galerie Joseph, Paris, France
Pendant que d’autres écrasent des nuits encore moites, comm. Juliette Hage, Palais des Beaux-Arts, Paris, France
Odyssée, Salon Private Choice n°10, Paris, France
Qfwfq, Exposition de diplôme (DNSAP), Beaux-Arts, Paris, France
Melon amer, Galerie des Beaux-Arts, Paris, France
Æquo, comm.Thomas Havet, Poush Manifesto, Clichy, France
2020
Résidence Double Séjour, Poush Manifesto, Clichy, France
Il faudra revenir demain, Galerie des Beaux-Arts, Paris , France
2018
Sketchy : London, Galerie Stour Space, Londres, Royaume-Uni
2017
Felt, Galerie des Beaux-Arts, Paris, France
2016
Ground Work, Galerie des Beaux-Arts, Paris, France
Pain et savon, Exposition de diplôme (DNAP), Beaux-Arts, Paris, France
2015
Parasophia, Festival d’Art Contemporain, station de métro Uzumasa Tenjingawa, Kyoto, Japon
Forme d’odeur, Maison du Japon / La Cité Internationale Universitaire, Paris, France
– Texte d’Elora Weill-Engerer
Le travail de Clédia Fourniau sème le trouble dans la perception du regardeur. Dans de petits ou très grands formats mais toujours à l’échelle de la main ou du corps de l’artiste, un magma de pigments est accumulé sur un support épais qui forme une plaque manipulable comme un objet. Ici, la technique induit une implication physique – dans le geste de va-et-vient mais aussi dans la limite du corps -, c’est-à-dire que les outils prolongent les membres qui œuvrent sur la toile. Toute en volume, la surface picturale s’apparente à une sculpture composée d’un agrégat de sédiments, sortes de strates géologiques extraites d’un seul tenant. Teintées dans la masse, les couches sont coulées sur des toiles tendues sur un panneau de bois ; elles s’y déposent une à une comme dans le lit d’un fleuve. De fait, la peinture se répand sur le support en un ruissellement vitrifié. Un sens intuitif des matériaux s’y exprime. Justement, le processus empirique engage pleinement le corps : Clédia Fourniau travaille à plat, et accompagne la matière liquide en soulevant les tableaux. Le flux échappe en partie au contrôle, et continue de se transformer dans le temps du séchage. Les formes abstraites sont ainsi empreintes d’un présence-absence de l’artiste, d’un soi dédoublé, déplacé, réfléchi. Les teintes obtenues à partir de colorants et encres acryliques se mélangent de manière aléatoire, créant des effets de matière sur la toile : la peinture qui en résulte est tantôt accidentée ou lisse, parfois gaufrée ou bombée comme un gâteau. Dans l’alchimie en apparence protocolaire mise en place par l’artiste, la toile, fixée sur un panneau de bois, est solidifiée dans une résine polyuréthane de couleur qui donne à l’œuvre l’aspect d’un écrin précieux. Cette résine industrielle, utilisée communément pour vernir la coque des bateaux, objectifie la peinture et lui apporte une brillance telle que l’espace environnant – l’atelier, l’architecture urbaine, le spectateur -, s’y reflète comme dans un miroir. De la sorte, la peinture, aussi dense et concentrée soit-elle, convoque une autre dimension : elle est magnétique, séductrice, et attire le regard comme la lumière appelle les insectes. L’utilisation récurrente d’un doré très pigmenté (préparation polymérique à base de poudre de mica) alimente cette dimension iconique et engageante de la toile qui s’apparente à un leurre. La tranche n’en est pas exceptée : infusée par les débords d’une couleur souvent fluorescente, elle pointe le contraste entre la surface entièrement recouverte et les côtés laissés partiellement bruts.
La réalisation de l’œuvre est directement empreinte de la fabrique industrielle : dans un travail toujours sériel, presque à la chaîne, les toiles sont réalisées simultanément, et sont référencées par numéros de séries, comme les spécimens d’une expérimentation. La palette électrique joue de cette ambiguïté de l’œuvre, entre pièce d’orfèvrerie et bloc radioactif. Cette tension inhérente au travail de Clédia Fourniau se traduit par un aller-retour entre dispersion et centralisation. L’impression qui en résulte est celle d’une peinture patentée, qui infecte l’œuvre de l’intérieur et se serait propagée comme une flaque de pétrole si le coffrage de polymère ne l’avait pas stoppée. L’artiste ne s’empêche pas de revenir sur ses toiles : le tableau est repris dans une surenchère picturale où les dés ne sont jamais jetés. Cette idée d’une toile jamais finie, convoquant constamment une suite, va de concert avec sa désacralisation. All-over entièrement constitué de recouvrements, de repentirs qui n’en finissent pas, il est saisi dans la résine comme un temps suspendu. Si le sujet s’abstrait de tout réalisme, les œuvres restent dès lors concrètes dans leur matérialité plastique : les couches successives s’accumulent comme une pièce montée faite d’étranges alluvions enfermés dans un glacis luisant. Avec ces objets-tableaux, insaisissables et miroitants, Clédia Fourniau propose une peinture émaillée et lumineuse, un support aussi attirant que dangereux du désir.
– Texte de Thomas Havet, à l’occasion de « Deep Sand Bed »
La lumière bleutée irradie toute la surface vitrée de l’aquarium comme un écran, comme un vitrail. En se posant à la surface du fond sablonneux, elle en délimite une coupe géologique. À l’interface de cette ligne iridescente, se distingue le dessus et le dessous ; deux mondes opposés – minéral et aqueux – dialoguent. La limite est poreuse et entremetteuse telle la surface de l’épiderme. Alors dans l’épaisseur du fond minéral, se dessine un étagement de lits de sable aux granulats hétéroclytes abritant une multitude de souches vivantes. Sous l’aspect inerte de la matière des milliers de micro-organismes participent à la filtration active et naturelle de cet écosystème aquatique passant d’un milieu à l’autre.
Le trait jaune fluo qui cerne la toile, en trace le contour et en marque la limite avec le monde extérieur. Ce trait jaune fluo, joint d’étanchéité délibérément teinté est le premier geste de toutes les peintures de grand ou de petit format de Clédia Fourniau. L’artiste récemment diplômée des Beaux-Arts de Paris expérimente une peinture qui parle de peinture. Par une démarche de protocole, tout se crée dans l’épaisseur : de la couleur sur de la couleur ; de la matière sur de la matière. Point d’effacement ou de repentir, les couches se superposent et se complètent brouillant le dessous et le dessus. Par un double mouvement entre sédimentation et infiltration, les peintures réagissent. Vivantes, contrôlées et incontrôlables, les différentes couches – traces de chaque geste – provoquent par la sensation colorée un renversement de la figure et du fond et troublent nos perceptions. Alors le résultat protocolaire, en forme d’archive des gestes, nous absorbe.
La loi de Dalton publiée en 1802 énonce l’impact de la pression sur un ensemble de gaz parfaits et permet d’expliciter les effets produits par la mise sous pression de l’azote lorsque le.la plongeur.se s’engouffre dans les abysses. Alors seul.e, confronté.e à l’immensité et à l’ivresse des profondeurs, un nouvel imaginaire se façonne. Lors de la descente dans les paysages submersibles, le système colorimétrique s’altère. Alors que les rayons lumineux ne pénètrent que partiellement dans les fonds marins, les couleurs disparaissent.
Le rouge, l’orange, le vermillon comme autant de couleurs chatoyantes qui font les atours de la faune et la flore se diluent dans le bleu infini des profondeurs, dans une monochromie irrésistible, dans un vivier poétique.
Là, face à nous, cette grande toile qui nous dépasse et nous appelle. Sa surface est terre de contraste : à la fois liquide et résineuse à la fois mat et rugueuse comme un corail sur un rocher. La matière est haptique, les couleurs abyssales. Les peintures de Clédia Fourniau, présentées ici pour sa première exposition personnelle à PARIS-B, nous engagent et nous invitent. Explorant une variété de formats, l’artiste nous interpelle par grand écart ; à nos yeux, à nos corps. Regarder les peintures de Clédia Fourniau c’est forcément s’y projeter ; s’en approcher c’est se confronter à son propre reflet. Car c’est autant de notre corps de spectateur, que du sien, dont il est question. Clédia Fourniau lutte avec ses toiles pour nous offrir une expérience sensorielle ; une plongée dans l’infini qu’il soit matière ou couleur. Alors, abandonnons-nous.