La théorie du Big Slurp avance que n’importe où et n’importe quand dans l’univers, une bulle de vide pourrait apparaître, gonfler à la vitesse de la lumière, engloutissant tout sur son passage.
PARIS-B a le plaisir d’inviter Louis Lanne pour sa première exposition personnelle à la galerie, intitulée Big Slurp.
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Louis Lanne, Biiiig Slurp, 2024, Technique mixte sur tableau blanc magnétique, 100 x 338 cm
C’est ce postulat qui a servi de fil conducteur à Louis Lanne pour cette première exposition monographique. Une volonté de représenter des mondes variés à l’instant T de leur disparition.
« On pourrait être dans un scénario, l’un de ceux où le champ de Higgs imprègne tout l’Univers. Le boson penserait qu’il y est stable, d’un côté d’une colline ou dans le bord, légèrement creux, d’un chapeau mexicain. Mais il pourrait ne pas l’être, l’équilibre pourrait être perturbé. Et si, telle une petite balle, il venait à être poussé ? Et le vide était « faux », si l’univers semblait fonctionner normalement, mais qu’il pouvait en fait être dans une situation temporaire qui pourrait, à tout moment, chuter vers un vrai vide plus stable ? Si… s’il s’avérait que la théorie de la décroissance du vide, la désintégration, le grand engloutissement-effondrement, le tunelling quantique, la métastabilité, une sphère d’énergie de destruction pure à la vitesse de la lumière étaient plus que probables ? Sans même que l’on s’en rende compte, à tout moment, on serait en train de chuter dans le BIG SLURP. »
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Il y présente ses dernières peintures sur tableaux Velleda, que l’on appelle ainsi par antonomase.
Génériquement, ce sont des tableaux blancs – vides ?
« Dans sa peinture il y a le dessin : il y refait surface matériellement, xylène et toluène se diluant dans la thérébentine. Figures, formes, quadrillages et proto-écritures imprègnent et traversent les couches de matière appossées successive- ment, le tableau se sépare en phases. Dans les peintures de Pieter Bruegel l’Ancien, des analyses ingfrarouges ont révélé des dessins sous-jacents à la craie noire, invisibles à l’oeil nu sous les couches d’huile et de vernis. Ici, ils remontent et (in)fusent à la surface, et la perspective atmosphérique du maître flamand a laissé place à une dissolution baveuse. »
Traditionnellement utilisés dans un cadre scolaire, de transmission de savoirs et d’apprentissage, ces derniers ont la propriété d’être effaçables, si tant est que l’on y inscrit des informations – généralement claires et didactiques – avec un feutre adéquat.
Peinture à l’huile, colle à bois, feutre permanent, marqueur fluo, goudron– le tout sous une bonne grosse couche de résine. De cette surface quadrangle à la connotation scolaire, à la rigidité rébarbative et aux matériaux austères, Louis Lanne fait une soupe cosmique. Dans ce «cadre» aussi contraignant que rassurant, il s’octroie le plaisir impertinent et régressif de gribouiller formes abstraites et figures cartoonesques, de les recouvrir de divers matériaux, d’effacer, de faire glisser… Il fige ensuite dans la résine ce qui, d’ordinaire, devrait rester éphémère et délébile.
On pourrait aussi se trouver entre la fin de l’expressionnisme abstrait et le minimalisme, si ce n’est qu’ici la figuration est encore là, bien que dans son état limite, presque dissoute. Investissant un espace de tension entre le temporaire et le figé, la règle et le jeu, Louis Lanne présente une série de tableaux aux formes arrondies, celles-même qui figurent dans ses compositions. Des formes libres qui contraignent ses scènes délirantes, le dedans y est le dehors – les shaped canvas de Franck Stella ont pris des psychotropes. A l’instar de Dave Bowman dans 2001, l’Odyssée de l’espace, on serait alors aspiré·e·s dans une sorte de tunnel coloré et, terrifié·e·s, on voyagerait à très grande vitesse à travers l’espace, dé- couvrant d’étranges phénomènes cosmiques et des paysages extraterrestres aux couleurs stupéfiantes. Et puis soudain, on ne serait pas dans le film de Stanley Kubrick, mais de retour au 62 rue de Turbigo.
« Ici, la peinture est fenêtre sur un juste avant néant – un faux vide, une liminalité baroque, somme de tout ce qui a, ou pourrait exister. Elle n’est pas faite de matière noire, n’a pas la « couleur d’abîme » dont parle Bachelard dans La Terre et les Rêveries du Repos, mais celle de l’infini. ll est également possible que toutes les structures soient détruites instan- tanément, sans aucun avertissement. »
— Texte de Carin Klonowski
BIOGRAPHIE
Louis Lanne vit et travaille à Paris, il est résident à Poush Manifesto, est diplômé de L’école Estienne et de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris avec les félicitations du Jury. En 2025, il fait partie de la sélection officielle du 68ème Salon de Montrouge.