GOURMANDES VANITÉS

27 avril - 15 juin, 2024

Pour son nouveau solo show chez PARIS-B, Marion Charlet présente un ensemble de nouvelles peintures accompagné de céramiques. Si l’on retrouve les thèmes de l’intérieur et de la nature morte, chers à l’artiste, ceux-ci ressurgissent ici sous le signe de la fête et de l’amour, teintés d’un humour délicieusement mordant et décalé. Le ton festif est donné par la couleur bien sûr, à dominante rose, jaune, vert, bleu : palette ici édulcorée là acide, aux couleurs fluos assez pop. Mais aussi par les motifs qui prolifèrent à la surface, s’offrant au regard par des zooms plongeant sur des dessus de tables. Tout un monde de cotillons, de bulles et de paillettes, un bal tournoyant de fleurs, de donuts, de fraises et de crème glacée aussi séduisant que la danse écarlate des cœurs et des rouges à lèvres, des baisers et autres Superchéris. Gourmandes ces nouvelles œuvres ? Oui sans aucun doute. Avec un arrière-goût piquant cependant dans le fond de la gorge. Comme un réveil douloureux après le grand bal. Une sensation de vide dans le ventre, au royaume du plein les yeux.

Ce vide se matérialise par la composition et le cadrage au sein d’un espace resserré sur la vie inanimée des objets amoncelés. Il y a en effet un élément essentiel par rapport aux dernières séries de Marion Charlet, c’est l’absence de la figure humaine. Qu’il s’agisse d’intérieur avec une fenêtre en arrière-fond ou de zooms plongeant sur un dessus de table, toutes les œuvres donnent à sentir l’enfermement d’un espace focalisé sur un amoncellement d’objets et de mets divers. De cet espace, la figure humaine a déserté. Elle n’apparait que par bribes et subterfuges. Ici un morceau de main tenant un gâteau, coupée par le cadre. Là des mises en abymes, des dessins dans le dessin, qui suggère des actions suspendues, inachevées. Quelqu’un était là mais a fini par partir. Ou n’est jamais arrivé. Et s’il est ici une fête d’amour, mariage ou anniversaire, les seuls corps qui s’étreignent, les seules lèvres qui embrassent, ne sont que des traces, déposées à même la surface des objets. Des fictions-trahisons rose bonbon. Souvenirs d’amours décos délavés à la machine du temps.

L’hédonisme des jours heureux s’est ici érodé, fragilisé et chargé d’une dimension critique. Regard sur la vie intime et nos vies amoureuses bien sûr. Mais aussi sur la société et nos modes de vie consumériste, moins en quête d’être que d’avoir, trop attachée à amasser objets et biens matériels divers. Les gourmandises rétiniennes de Marion Charlet sont de gourmandes vanités. Elles posent à nos yeux la fragilité de la vie, la futilité de nos passions. Elles sont vacuité du vide dans le plein.

— Amélie Adamo